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Venus d’ailleurs

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14juillet 2018
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Migrants

Ils affluent de partout, ces hommes, jeunes pour la plupart, un peu perdus. Masse informe de corps fatigués, vêtements devenus trop grands, froissés, ombres dont les regards se perdent vers le passé. Ce qu’ils ont dû quitter. Pays de naissance, une mère, des soeurs, une amoureuse au regard doux, un village écrasé d’ennui, des amis. Souvenirs, peur, honte d’avoir échoué, espoirs déçus qui se vautrent dans la crasse, la boue de ces non-territoires,

entassés dans une tente, dans l’attente interminable, pour manger, dormir, entrer dans une file, en sortir, y revenir, sans trop savoir ce qui les attend.

Migrants

Horde sans visage, apeurée, papiers serrés à la main qui n’ont pas cours ici, mots qui se bousculent sans réponse, remonter la file, changer de bureau. L’interprète enfin, celui qui connaît la langue, le dialecte, s’épuise à la tâche, se défend de ne servir à rien, tente un sourire, lui qui n’a pas connu le pays, la guerre, la misère, les violences subies, même celles imaginées, les pires.  Interrogés, harcelés de questions. Prouver sa parenté, son ethnie, son métier, alors que les mains sont vides et la mémoire engoncée dans l’effort de survie. Trouver la force d’assurer qu’on est plus à plaindre que le voisin. Et y croire.

Migrants

Des femmes aussi sont là, des enfants, dans ces camps de fortune, entassés. Les petits font corps avec les mères et elles, font corps avec la toile des tentes, habituées à n’être que silhouettes vagues hors des fenêtres voilées des maisons. Parfois seules, sans mari garant de leur intégrité, à peser mots et regards, serrer les tissus contre les corps décharnés, ne rien dévoiler de la chair, surtout. Tenter l’inconcevable, la fuite. Survivre, se frayer un chemin, nourrir et consoler, chercher des alliances, faire la queue, défendre sa place pour se nourrir, de l’eau. Préserver son hygiène et son intimité contre les appétits des hommes esseulés.

Migrants

Et nous qui sommes là, témoins impuissants de ces exodes, entre honte et peur. Qui ne sommes pas dans une culture du partage, portes fermées, yeux baissés, chacun chez soi. Nous avons oublié que nous avions été italiens, arabes, gitans.  En butte à notre passé colonial, nous proclamons la pureté du sang, de la race, Nous renions les tribulations de nos ancêtres qui ont trouvé refuge sur cette terre. Un étranger ? pas de ça chez nous, on reste entre nous, on ne se mélange pas. Mais qui sommes-nous, nous dont les chemins et les histoires se sont croisés?

Car lorsque l’on vient d’un peu partout, au bout du compte, on vient de nulle part.

 

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« Il était une fois » une conteuse qui naît, forte de son trajet et de ses rencontres, les poches pleines de mots, les siens et ceux des autres tout mêlés, tout emberlificotés. Juste le corps et les mots, et un costume assorti à chaque spectacle, comme un bijou.
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C'est une voix qui vous enchante, un sourire malicieux, un regard transperçant, une gestuelle en harmonie avec les mots ... Roberte Lamy s'inscrit dans la tradition des passeurs d'histoires. C'est une rencontre que l'on n'oublie pas. Nathalie Levassort - Section Jeunesse de la Médiathèque Jules Vernes (Ville de Puteaux)

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