J’ai décliné de me mettre près de l’homme, préférant l’isolement de la place arrière. Il a l’air ravi de rester seul avec son livre et ses pensées, ce garçon sérieux, appliqué, studieux même. Un bel homme, jeune, brun, barbu.
Installée derrière lui, j’oublie mon voisin. Régulièrement pourtant il s’étire, s’étend. Je l’imagine à chaque secousse du siège avant, grand corps captif, musclé, sportif.
Mais bientôt, sous l’injonction d’un passager dans son bon droit, prêt à en découdre, me secouant son billet sous le nez comme un testeur de parfum, yeux courroucés devant mon outrecuidance, je ramasse mes affaires à la hâte, lui écrase le pied, ne me confonds pas en excuse, ce qui aggrave mon cas, et sac et livre s’échappent. Mon écharpe me retient. C’est dans cette débandade que je rejoins enfin mon siège.
A peine assise, tord le cou vers lui. Vous allez à Toulouse? Je vais déranger. Comme si ce n’était pas déjà fait ! Je me tortille et lui propose de changer de place, de rejoindre celle du fond, près de la vitre. Puisque moi, je descends avant vous, je dérangerai moins, vous serez plus tranquille. Je me lève et ramasse mes affaires. L’air de douter que je sois capable de lui garantir le calme il s’exécute pourtant, poli. Le jeune homme a à peine un regard pour moi. Nous aurions pu en rester là, chacun le nez dans son livre. Curieux cette expression. Le mien est trop petit, celui de l’homme est fin, assez grand. L’idée m’amuse que son nez puisse se retrouver coincé entre les pages, écrasé, entraînant quelques poils de barbe, bouche étirée en rictus. Je me retiens de rire.
Il avait raison, ma promesse de calme était feinte. Je me lève, fais une plaisanterie, et contre toute attente elle fait mouche, il sourit, regard doux, franc. Et patati, et patata … Il se tourne vers moi et me parle avec passion de son livre, d’une conférence, de ses espoirs, de sa vie de sportif, du triathlon, de son désir d’écrire un roman,faire connaître sa passion.
En peu de temps j’apprends beaucoup. Me parle de sa mère avec qui il ne s’entend pas, avec qui il recommence à tisser des liens, de ses grands parents aimés de qui il se sent si proche. En peu de temps l’homme du train, devenu mon voisin, m’est presque familier. Dommage, j’aurai dû m’asseoir près de lui dès le début.
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