Les maisons des rêves ouvrent sur d’autres espaces.
Chambres inconnues, le plus souvent inoccupées, meublées de façon étrange, croulant sous livres, cahiers et journaux, tapissées de feuilles de couleurs, de timbres postes aux destinations coloniales et exotiques, envahies de chats et de rats, de souris et d’insectes . Des oiseaux y nichent, des chauves souris s’y ennuient.
Parfois au détour d’un couloir, une porte s’entrouvre. Une chambre d’enfant, jamais vue et pourtant reconnue, révélée à la dormeuse qui s’en étonne à peine, passe avec nonchalance sa main sur le papier peint fané où d’énormes pivoines violacées et livides la dévisagent dans l’égarement du sommeil .
Une nuit, c’est une porte-fenêtre qui s’ouvre sur une petite terrasse de pierre envahie de lierre où une lumière vive s’écrase contre le sol minéral. Un passage aspire la rêveuse dans un dédale feuillu, les branches rugueuses accrochent ses mollets nus, ralentissent sa marche. Elle se fraye un chemin pourtant, et tout à coup, l’horizon se libère de ses liens végétaux. Une ligne sinueuse de gravier blanc encadrée de buis l’invite à avancer plus avant. Ses pas sont assurés, ses mains légères s’attardent sur le plat du buis, le regard curieux se porte vers l’avant grisé et nuageux où rien ne perce, univers secret du rêve .
Mais à présent, le chemin de petits graviers blancs se resserre, l’étouffe, laisse place à un tortillon qui s’élève, bordé de buis dressés et disciplinés à hauteur de visage.
La rêveuse avance toujours, à l’aveugle, et s’élève lentement dans cette haie de buis, sans espoir de retour en arrière. Elle ne peut qu’avancer, grimper, ne peut se retourner, enjamber, encore moins bifurquer.
Le chemin est le sien à présent, elle le sait. Il se fait labyrinthe, dessinant de petits carrés où elle évolue, veinés de blanc et vert foncé dont les tiges légères l’effleurent sans entraver sa marche. Une odeur de plante humide et âcre. Une lumière crue.
Se réveille le jour de Pâques, la rêveuse.
Leave a Comment