Elle est là la fille, au bar, suspendue sur ses talons, agrippée au rebord par ses doigts boudinés, blancs, dont les bagues serties jettent des éclats bleutés, clins d’oeil aux glaçons qui gisent au fond des verres dépolis, givrés dans leurs habits de fête.
Au dessus de sa tête est posé un chignon haut et c’est un miracle que ce plat de cheveux rebelles ne se déverse et se mêle au sucre des coupes. Solidement arrimé, le chignon, au contraire, se dresse, suit son propre rythme entre gloussements et soupirs.
Tout à coup, dans le brouhaha, un son aigu surgit né entre les seins de la fille qui se fraie un chemin. Un éclat de rire strident, hoquette, s’élance, se jette contre le rempart des dents, se répand sur la langue et dans un élan victorieux éclate sur les lèvres roses comme un fruit mûr que l’on presse, et s’échappe.
La fille n’est pas à un éclat près, connait la chanson et son effet sur son auditoire. Son rire de gorge vire à l’exhalaison cristalline, finit en secousse stridente. L’apothéose est une suite de petits remous criards qui signent la délivrance. Le chignon n’a pas regimbé. Les mains se sont jetées en l’air en quête d’évasion tandis qu’un énorme soupir se glisse dans le giron du corsage dont les seins compriment le tissu.
La fille a retrouvé son équilibre. L’avait-elle perdu? la comédie de la séduction en guise d’exutoire a ravi la fille à elle-même et son auditoire a bien ri.
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