Une eau profonde et sombre, trouble, animée d’ombres. La rêveuse nage avec rage une sorte de brasse animale, lourd mammifère marin qui se déporte de droite à gauche, entre deux eaux, rapide et nerveux malgré sa masse.
La rêveuse ignore que son être diurne ne nage pas si bien.
Elle se fraye un chemin en apnée, pressée d’avancer, de suivre la langue d’eau qu’elle s’est tracée. N’a pas besoin de respirer.
Comment est sa bouche, fermée? lèvres scellées, mi-closes? la rêveuse l’ignore, cela n’a pas d’importance. Seul le fait de nager a de l’importance.
Des poissons la frôlent, gris et sinueux, l’invitent avec aisance. Eux vont dans tous les sens, nerveux, brusques, la dépassent, mus par d’imprévisibles influx électriques ils ondulent, indifférents à l’humaine forme qui s’applique à leur ressembler.
La rêveuse goûte ce nouvel état, s’en délecte, le fait sien, laisse choir sa chair glabre écrasée sous les oreillers, inerte. Se lance à corps perdu dans cette danse aquatique.
Soudain, une remontée de conscience la jette hors du rêve. L’élan vital lui coupe le souffle, elle qui se croyait munie de branchies. Le corps se cabre, muscles durcis à la recherche d’un appui, s’engouffre dans l’oeil du cyclone.
Un cri. Renaît à la vie.
Réveil. Un goût d’huile dans la bouche.
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