Il est là, à l’abri des regards, tout au bout de cette allée d’arbres, ce cimetière accroché à un roc, comme suspendu face au vide où le regard du passant embrasse la vallée, y rince sa tristesse. Pas question de venir ici par hasard, il faut la mériter, la visite. Au bout du village, derrière un mur clos, isolé du tumulte, esseulé, fermé du monde des vivants par une lourde grille, sont tenus là, les éternels endormis, invités à ne pas venir déranger les vivants, à rester à distance pour ne pas troubler les affaires du monde.
Sont entre eux et pas bavards, certains encore un peu dans la vie, à grouiller de vers, à se faire lécher la mandibule avec délectation, à viser la putréfaction où chaque os rivalise de blancheur poreuse. C’est que l’on se décompose moins vite depuis quelques temps. En cause les pollutions, les conservateurs, tueurs silencieux de diptères, sarcophagiens et autres escouades affairés sur le tas. Au lieu de quelques mois consacrés à la tâche de désintégration, certains corps affichent une jeunesse insolente, un refus arrogant de disparaître. Une longévité à en faire pâlir les anciens tas d’os. Dernière coquetterie de ces impérissables dont la fureur de vivre et paraître toujours à son avantage perdurent jusque dans l’au-delà.
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